A nous Fantispa !

- Je crois que c’est quand j’ai dit « oui » à mon ex lors de notre mariage, dit Nina à Tod alors que Léonard Goranz les rejoignit dans la salle de réunion du RPR. Eva Zhyon avait insisté pour organiser une réunion de travail pour aborder plusieurs dossiers urgents. Cette réunion concernait Jean Beubinne, directeur de campagne, Nina Vox, porte parole, Eva Zhyon, directrice de cabinet et Tod. Léonard n’était présent dans les murs du parti que provisoirement. Il devait se rendre au Parlement en compagnie d’Irina.
- De quoi parlez-vous ? s’enquit Léonard auprès de Nina.
- Tod me demandait ce que je regrettais le plus au monde dans ma vie, répondit gaiement Nina.
- Vous avez des regrets Tod. En même temps, je vous comprends : avec toutes les conneries que vous avez faites… lança Goranz.
- Vous devriez en faire plus des conneries Goranz, vous arriveriez peut être enfin à devenir quelqu’un… répliqua Tod.
- Et vous Léonard, quel est votre plus grand regret dans votre vie ? coupa Nina pour faire descendre la tension.
- C’est d’avoir accepter le poste que Tod m’a offert en me demandant de le rejoindre.
- Faux Léonard. C’est vous qui m’avez proposé vos services. Rappelez-vous.
- Alors, je regrette profondément de l’avoir fait.
- Vous pouvez encore quitter le navire. Personne ne vous regrettera vous savez.
- Qui veut un café ? coupa à nouveau Nina pour couper cette discussion qui tournait au règlement de compte.
- Je veux bien, dit Goranz.
- C’est mauvais pour vos nerfs qui sont déjà mis à rude épreuve Léonard, fit Tod d’un air de défiance.

Goranz n’eut pas le temps de répondre. Eva fit son entrée dans la salle et demanda à commencer la réunion au plus tôt. Elle avait un caractère un tatillon autoritaire et savait mener ses troupes. C’est notamment pour cela que Tod l’avait embauchée. Léonard décrocha un dernier regard noir à l’attention de Tod et sortit rejoindre Irina.

- J’ai sollicité auprès de Tod cette réunion, commença Eva, pour évoquer un certains nombre de dossiers. Tout d’abord, le congrès qui nous place devant les autres motions, mais nous perdons clairement du terrain.
- Je ne crois pas qu’il faille paniquer, Alexia et sa popularité soudaine me paraît être qu’un feu de paille, intervint Jean. La plus dangereuse était Irina et, contre toute attente, elle est arrivée dernière.
- Je partage l’avis de Jean. Ne donnons pas l’impression de paniquer, se contenta Tod.
- C’est une erreur Tod. Je le crois que nous devrions en tenir compte et nous rapprocher d’Irina, voire de Léonard.
- Je parlerai à Irina, convint Tod.
- Autre chose, le PML devient l’Union des Prolétaires Fantispais et Albert Lesketer accède à la tête du parti. Il se montre très vindicatif et combatif. Les ouvriers semblent être à l’écoute de ce qu’il peut proposer.
- On risque d’être grignoter sur notre gauche, ce qui explique d’ailleurs que Léonard ait été tant en difficulté durant le congrès, reprit Jean.
- Il est hors de question de collaborer, de négocier ou de gouverner avec ce parti, imposa le chef du RPR.
- Nous pourrions pourtant arriver à un but commun : le changement de régime, essaya Nina de sa petite voix.
- Non Nina, répondit Eva. Leur objectif final est très différent du nôtre. Leurs idées sont bien loin de ce que nous proposons.
- Nous nous couperions de notre base. Nous nous mettrions le MPD et le PCF à dos. Cela serait dramatique, s’inquiéta brièvement Jean Baubinne.
- D’autant qu’ils ont la contestation facile à ce que je constate, souffla Tod. Nous ne devons pas rentrer dans un tel cycle de réprobation à tout-va.
- Autre élément : Léonard, grimaça Eva. Il devient gênant. Sa proposition de loi de sauvetage actuellement au vote nous met dans une situation délicate. Nous sommes obligés de la soutenir, alors qu’elle est relativement libérale.
- Je ne suis pas tout à fait d’accord, contesta Jean. Elle réglemente surtout un certain nombre de procédures économiques.
- Je partage l’avis de Jean. Il y a des choses à prendre dans cette proposition, trancha Tod.
- Oui, mais il est fait cavalier seul. Il n’a pas consulté nos députés ou au moins Irina. Nous avons pris connaissance du texte comme les autres. Il va falloir songer à le mettre au placard….
- Qu’est-ce que vous entendez par là Eva ? demanda Nina.
- Il faudra qu’il soit en position non-éligible lors des prochaines élections. Nous avons un autre soucis : Justin Brigant…

Tod releva la tête brusquement. Visiblement, il n’était pas au courant du « soucis » en question. Que se passait-il avec le Ministre de la Justice ?

- C’est-à-dire ?
- La défaite d’Irina lors du Congrès de Torfolu e des conséquences. On connaît la proximité d’Irina et de Justin. Mais cette défaite a amené Justin à se poser des questions. Il a l’impression d’être une potiche au gouvernement et cela au nom d’Irina… Il ne veut pas sombrer avec elle.
- Et ? demanda Tod qui ne voyait pas où Eva voulait en venir.
- Et il se murmure qu’il serait sur le point de marquer le coup…
- Eva, venez-en aux faits !
- Mais je n’en sais pas plus. Cela n’annonce rien qu’y vaille, c’est tout.

Tod prit un air sombre et songeur. Eva le sortit de son état de méditation.

- Par ailleurs, je pense qu’il serait bon que vous sortiez de vos bureaux M. le Ministre. Tod, vous devez reprendre vos déplacements sur le terr…
- Vous me harceler avec ça à chaque fois, s’emporta le Ministre.
- Et je continuerai tant que vous ne vous y plierez pas.

- Bonjour Nina, ça va ? dit Irina Kudovrinka en arrivant à l’étage des locaux du RPR.
- Oui, dit Nina d’une petite voix, le visage crispé.
- Quelles sont les nouvelles ?
- Euh… Léonard fait toujours la gueule. Tod est toujours à gauche, à droite, mais jamais ici et je dois faire le travail de trois secrétaires parlementaires.
- Vous avez l’air d’être surmenée Nina.
- Je le suis. Je…
- NINAAA, cria une voix au fond du couloir.
- C’est Eva qui crie ainsi ? demande Irina.
- Tout juste. Elle vous a demandé de venir, hein ?
- Non. Figurez vous qu’elle m’a « convoquée »… J’ai l’impression qu’elle perd un peu les pédales.
- Ne m’en parlez pas. Elle est comme ça depuis ce matin. Elle s’en prend à tout le monde. Je cr…
- NINNAAAA ! Vous les faîtes en Eridan ces photocopies !
- J’arrive, j’arrive, dit-elle à Eva Zhyon en portant la voix. Puis, elle se retourna vers Irina et confia : Pfff, elle est impossible.

Après quelques minutes, Irina se retrouva en compagnie de Jean Baubinne, Caroline Dunoirre et Léonard Goranz. Eva Zhyon prit d’un ton ferme la parole.
- Avez-vous lu le dernier numéro de la Gazette de Kaora ? C’est catastrophique ! « Aucune opposition » ! Nous sommes décriés pour notre manque de démarquage.
- Et ils n’ont pas tort, dit très tranquillement Léonard.

Tout le monde respecta un silence. Puis, Léonard reprit :
- Où est le patron ? Ah oui ! En train de faire mumuse à Prya. Et vous n’avez pas parlé de l’attrait de poste régalien offert par le PCF et accepté avec gourmandise par… le patron… Et nous avons bien voté cette loi conservatrice.
- Ah ! Là, je ne suis pas d’accord, s’interposa Caroline Dunoirre. Si le RPR s’est joint à cette loi, ce sont pour des raisons qui ne sont pas soulignées dans cet article.
- Ca n’en reste pas moins très conservateur, contesta Goranz. Nous sommes des pantins grâce à Tod. Il est temps de réagir.
- Comment ? se renseigna Eva.
- Tod doit démissionner du gouvernement et de la tête du parti, répondit très tranquillement Léonard Goranz.

Eva secoua la tête. Elle était remontée contre Tod qui ne suivait pas ses consignes, mais de là à le faire tomber ainsi, c’était absurde.
- Il est certain qu’on doit réagir, mais pas de cette façon. Nous avons notre identité, mais nous devons plus clairement nous démarquer. Et j’ai une ou deux idées à ce sujet…

De retour à Fantispa après une fructueuse escapade à Tindali, Tod montait les escaliers l’emmenant à l’étage des bureaux du RPR lorsque Léonard Goranz l’interpella :
- Ah ! Vous voilà enfin !
- J’ignorais que je vous manquais tant Léonard. Si je l’avais su, je vous aurais envoyé une petite carte postale.
- Faîtes le malin… Vous avez lu la dernière édition de la Gazette ?

Tod, pour toute réponse, brandit la dite édition et la secoua sous le nez de Goranz.
- Vous avez donc lu comment on nous dépeint : une opposition inexistante…
- Je l’ai lu en effet.
- Et ?
- Et quoi Goranz ?
- C’est tout ce que cela vous inspire ? Vous rendez-vous compte de l’impact que cela risque de laisser dans l'esprit des électeurs ?
- Désolé, mais vous n’êtes pas le premier à me faire la morale. J’ai eu Eva hier soir au téléphone pendant une heure !
- Qu’est-ce que vous allez faire alors ? Démissionner du gouvernement serait déjà un préalable à un rétablissement.
- Ne rêvez pas Goranz. Je ne quitterai pas mon poste.
- Vous êtes accroc, hein ?
- Je dois bien avouer que c’est grisant. Mais c’est surtout voir votre tête à chaque fois que vous me croisez qui me ravit : vous vous rappelez que vous n’êtes plus au gouvernement et que je le suis encore… Cette tête, ça vaut son pesant de noix de coco !
- En parlant de gouvernement, vous avez appris la nouvelle ?

Tod s’arrêta de grimper les marches et se demanda où Léonard voulait en venir.
- Quelle nouvelle ?
- Vous ne savez pas, dit Goranz avec un sourire amusé. Je vous laisse le découvrir en découvrant le communiqué publié par Eva.

Goranz fit demi-tour et redescendit les marches, laissant Tod songeur. « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? » Il se dirigea rapidement en direction du bureau d’Eva pour en savoir plus. C’est cette dernière qui lui annonça les mots utilisés par Brigant.
- Une « excuse à une manœuvre guidée par l’ambition ou la manigance » ? s’emporta Tod. Qu’est-ce que ça veut dire ? Il parle de moi ?
- C’est Irina qui marque son terrain. Elle est très offensive au parlement et a demandé à son petit protégé de vite quitter le navire pour pouvoir affaiblir Victoria et toi. Elle se place en recours.
- La garce ! Je n’avais pas assez de Goranz, il faut qu’elle me tombe dessus.

- Mais alors, qu'est-ce qu'on fait ? demanda Jean Baubinne.
- Rien, soutint Eva.
- Mais si on fait rien, on va nous le balancer à la figure.
- Oui, mais si on réagit à cet article, on va se mettre à dos les conservateurs les plus ardents.
- Et alors ?
- Et alors on est au gouvernement. On doit être solidaire.
- Oui, mais si on se tait, on n'est pas solidaire, on se cache.
- C'est une façon de voir les choses Jean. Disons qu'on ne s'oppose pas aux monarchiques notamment, ou plutôt à ceux qui ne veulent pas voir le modèle judiciaire fantispais évolué.
- On se défile.
- Non Jean. On se protège.
- Avons-nous au moins prévu une réforme judiciaire.
- mmmh... presque.
- Comment ça ?
- La réforme constitutionnelle que nous proposons peut contenir ce genre de mesure, même si ce n'est pas la priorité.
- Mmmh, je vois. Bon, je contacte Fritz. Et je dis à Nina : "No comment"

- Ah, ben vous voilà enfin ! C'était bien les vacances, soupira Léonard Goranz d'un ton fortement sarcastique.
- Reposantes, souffla Tod.
- Je n'ai pas l'impression que vous avez pris conscience ou connaissance dans la merdouille dans laquelle on est.
- Ah, c'est reparti pour le catastrophisme. Qu'est-ce qu'il ne va pas cette fois-ci Goranz ? Vous n'avez pas eu votre jus de papaye ce matin ?
- Riez. Ca ne va pas durer. Savez-vous que le Parlement a été dissous et les élections lancées ? ... Et mieux, la date de clôture des candidatures est dépassée. Et comme Monsieur se prélassait je-ne-sais-où, le RPR n'a pu publier aucune liste.
- Impossible. J'ai eu des garanties à ce sujet.
- Lesquelles ? De vous être fait avoir ?

Tod ne répondit rien. Il est vrai que la date des inscriptions aux élections devaient démarrer avant son départ. Ce qui n'avait pas été le cas. Victoria et/ou le Prince ne semblait pas avoir été très fair-play sur le coup. Il consulta rapidement les papiers que Goranz avait avancés sur la table de la salle commune des locaux du parti. Tod s'étonna de l'absence des merkiste-luniniste. Mais rapidement, il nota une faille qu'il n'hésiterait pas à exploiter.

- Léonard, à quoi se résume la campagne ?
- A vrai dire, à pas grand chose. Les conservateurs et les démocrates ont été plutôt discrets.
- Bien, prévenez Nina et Eva que je veux les voir dans mon bureau immédiatement.
- Nina est dans le coin. Eva est en déplacement à Port-Vartais avec Jean. Ils reviennent ce soir.
- On fera sans eux.
- Quel est votre plan d'attaque ? questionna Goranz.
- Le MPD est hors délai. La campagne est inexistante.
- mmmmh.... Et ?
- Vous n'avez donc aucune imagination Léonard ?
- Je ne vois pas ce qu'on peut faire, on est hors délai, on est hors délai. Et cela par votre faute.
- Je vous offrirai bien un jus de papaye, mais j'ai du travail.

Comme bien souvent, le temps électoral nuisait gravement à l'activité ministérielle. Il est bien difficile effectivement pour les responsables politiques, d'une part, de mener campagne en gouvernant dans le même temps et, d'autre part, justifier son action légitimement alors des élections sont en cours. Le Comité de l'Intérieur n'était pas étranger à ce phénomène, même si en vérité, dans les coulisses, les membres de cette administration continuait à plancher sur le réseau de transport de Sorlop. Ce dernier n'était pas abouti, mais connaissait une belle avancée. Plusieurs difficultés - notamment le tracé particulier des routes sorlopiennes - venaient contrarier les plans des décideurs. Il était évident que le bébé reviendrait au futur Ministre de l'Intérieur. Et rien ne garantissait plus que jamais que Tod soit celui-ci. Il était en effet venu le temps pour le RPR de se démarquer plus sérieusement du PCF. La position de Tod dans son propre parti en dépendait. Beaucoup lui reprochait sa fidélité aux conservateurs. Le temps de l'Union Nationale pour la relance de la Principauté était fini. Le RPR devait adopter une ligne politique plus claire.

Eva Zhyon s'introduisit dans le bureau du Président du parti en brandissant d'une main une feuille comme elle aurait brandi un trophée.
- On a gagné Tod ! Le Prince a accédé à notre demande.
- Les élections ?
- Oui. La date butoir est le 3 octobre. Et comme nous avons publié nos listes depuis...
- Bien, nous voilà sur la ligne départ. Appelez Jean et...
- C'est fait ! Je l'ai prévenu. Le programme est bouclé, les premiers flyers pourraient partir dès dimanche.
- Ok. Prévenez Fritz...
- C'est fait ! Fritz Muls est déjà avec les jeunes du parti et préparent leur première action.
- Je vois. Alors contactez l'ensemb...
- C'est fait ! Tous nos colistiers sont prêts à sillonner leur circonscription.
- Mmhmmh. Alors apportez-moi des...
- C'est f... Vous apporter quoi ?
- Ahah ! Vous ne l'aviez pas prévu celle-ci, hein ? Des chips aux algues.
- ... votre femme m'a demandée de vous surveiller à ce sujet...
- Elle vous à quoi ??? Elle me fait espionner ?!
- Euuh... je... je vais voir où en est Nina...

S’il est vrai que le RPR avait perdu les élections, perdant deux sièges au Parlement, les résultats semblaient donner du courage à Tod. Il y avait des choses encourageantes. Son absence au gouvernement, qui pourrait être interprété comme une gifle, lui permettait surtout d’avoir une position plus confortable au sein de son propre parti. Il était néanmoins chiffonné, embêté par le succès de Goranz au Saraland. Heureusement que Méryl était là pour cacher le camouflet.

- Comment à-t-il obtenu le retrait du conservateur ? questionna une candide Nina Vox.
- Corentin ne semble pas y être pour rien, répondit Eva Zhyon.
- C’est-à-dire ? interrogea-t-elle à nouveau.
- Nina, voyons ! s’agaça Tod. Il est probable que le PCF et le PM aient fait du pied à Goranz en contrepartie du retrait de Tévhert.
- Pourquoi ? Ils auraient quand même gagner les élections. Peut être même plus largement.
- Pour me mettre Léonard dans les pattes, souffla Tod. Je le vois venir d’ici, il va faire le barbeau, prendre ses grands airs d’homme important. Sa candidature au prochain congrès – qui paraissait totalement improbable – est certaine, je le parie !
- C’est évident, se moqua Eva.
- C’est bien beau, mais au RPR, il pèse pas bien lourd le Léonard.
- Jusqu’ici non Nina. Mais maintenant… dit Tod.
- Vous allez où Tod ? demanda Eva.
- Au Comité, j’ai plein de saloperies dans les tiroirs qu’il faut que je vide. Et puis, faut que je m’occupe de la passation des pouvoirs. Je me demande bien qui va me succéder.

L'air songeur, Tod étudiait la liste du gouvernement. Merzek à l'intérieur ? Plutôt logique. Il poursuit d'une certaine manière le travail qu'il a débuté. Julio, Premier Ministre ? Ca, beaucoup plus étonnant. Ou plutôt, cétait davantage le fait de voir Victoira "débarquée" (pouvait-on utiliser un autre mot ?). Et elle perdait au passage l'Université. Restait à savoir ce qui allait se passer au Parlement qui n'avait pas encore ré-ouvert ses portes. Un gouvernement resserré. Et donc qui aurait peut être du mal à tenir la longueur. Le RPR devrait saisir toutes les opportunités.

L'atmosphère politique paraissait étrange au lendemain de l'élection législative : le MPD semblait de nouveau perdu dans une crise paralytique qui l'emmenait lentement à la somnolence. L'Union des Prolétaires Fantispais semblaient dans le même état, en plus d'être affublé d'une déroute électorale mémorable. Quant aux monarchistes, même s'ils sortaient des élections renforcées, semblaient à l'écart. Si on ajoutait à ce constat, un néo-gouvernement très discret et un Parlement que les conservateurs rechignaient à réveiller, il était évident que l'air qui planait au-dessus des politiciens était lourd de nuages annonçant une crise majeure pour le pays.

Si la situation inquiétait Tod, elle donnait des espoirs à bien des républicains. En effet, certains voyaient là une bonne raison pour démontrer la vivacité du RPR vis-à-vis des autres mouvements. Ce contexte tombait plutôt mal au moment même où le Président du RPR devait organiser le congrès du parti. Tod se battait pour retarder de quelques jours cette échéance. Goranz pesait de tout son poids politique (retrouvé) pour exiger un congrès dans les jours à venir. Heureusement, Tod trouva en Irina Kudovrinka une alliée inattendue. C'est donc le lundi 2 novembre 2015 qui fût choisie. Meryl Yet, députée de Port-Vartais obtint facilement que son fief soit le lieu de rassemblement de sa famille politique.

- Je vous avais prévenu Tod.
- Vous êtes prêt à tout Léonard.
- Vous croyez vraiment que j'allais vous soutenir comme ça, alors que je voulais la Présidence du Parlement ?
- Léonard, vous n'êtes pas compétent pour...
- Parce que vous l'êtes ? Ne me faîtes pas rire. Désormais, vous savez que notre groupe au Parlement m'est acquis. Nous sommes quatre. Qui avez-vous de votre côté ? Meryl ? Et c'est tout !
- Vous oubliez Cyprien.
- Nous savons tous les deux qu'il est favorable à Irina.
- Irina est un peu hors course.
- Ca ne change pas grand chose.
- Hormis pour vous gargariser d'être de nouveau dans le coup, qu'Est-ce qui me vaut Léonard le plaisir incommensurable de vous recevoir dans mon bureau ?
- Justement. Je veux que ce bureau devienne le mien lors du prochain congrès, je veux le parti...
- Mais vous n'avez pas besoin de moi Léonard. Vous êtes si important...
- Continuez à ironiser Tod. Ce que j'étais venu vous proposer, c'était de vous retirer afin de vous épargner l'humiliation d'une déroute. Vous rejetez ma main tendue. Tant pis...

Même en dehors du gouvernement, les journées de Tod restaient bien chargées, Rébecca ne manquait de lui faire remarquer qu’il était toujours aussi absent pour elle et leur fils. La conséquence ne se fit pas attendre : visite d’Antonville et balade dans les formia en famille programmée ce samedi. Cela n’était rien au regard de l’entretien que Tod avait eu avec Goranz et de la déferlante de communication du gouvernement. En effet, Léonard s’opposait de plus en plus frontalement à Tod sans prendre de gant. Il fallait dire que la position de Goranz était largement favorable depuis les dernières élections ; avec quatre députés (Goranz compris) - sur sept députés républicains - favorables à cette mouvance, la position de Tod devenait plus que fragile. Par-dessus le marché, Julio et son gouvernement avaient décidé de lancer une campagne de communication très active et profitable à son action. Entre une interview et une conférence de presse, Julio communiquait de façon efficace. Communiquer est l’art d’exister. Cependant, il s’agit de ne pas déraper dans cet exercice. Et Eva et Tod avaient déterminé le plan d’action du RPR pour réagir à ce plan de communication. Mais avant toute chose, ils devaient attendre la fin de l’élection parlementaire pour ne pas hypothéquer les chances de Tod d’accéder à la présidence de l’hémicycle. A l’issue de cette élection, Tod devrait passer à l’action tant pour montrer aux fantispais que le RPR restait dans cet esprit d’opposition et de vigilance, mais aussi pour tenter de conserver la tête du parti que Goranz convoitait plus que jamais.