A nous Fantispa !

- Oh, la Spéciale de Tétaou ! C’est comme les chips aux algues, depuis que j’ai fait une chipstérol, Becky ne veut plus que j’en consomme…

Tod se pencha en avant et murmura :
- Heureusement, parfois, je me rends dans petit restaurant pas très loin d’ici et je me permets un ou deux écarts…

Il se redressa et afficha un sourire complice.
- Plus de presse digne de ce nom ? Pour la Gazette a un excellent Rédacteur… j’en sais quelque chose ! A ce sujet, j’ai bien reçu le pli que je t’avais demandé – Merci beaucoup d’ailleurs. - J’ai relu ce que j’avais écrit dans ce manuscrit et je parle justement de notre collaboration fin 2008 à la Gazette… C’est marrant, j’avais totalement oublié ce passage. Pourtant, je t’ai récemment dit pratiquement la même chose sur notre collaboration épisodique actuelle au sein de cette même Gazette.

Tod avait servi le jus de goyave et en but en grimaçant une gorgée. Pourquoi Becky lui en voulait tant, à tel point de lui infliger cela ? Il écoutait le point de vue de Max sur Prya.
- Je suis d’accord, c’était totalement surréaliste ! A une époque, les armes n’avaient même pas d’existence, elles n’étaient pas « reconnues ». Je me souviens d’une attaque d’un bataillon « romain ». Elle avait été « considérée » comme nulle et non avenue. Au moins, le projet Zootopia que tu mènes donne du sens à cet état d’esprit. Les baleines d’abord, les oiseaux peut être un jour… Les scanthélois ont trouvé la bonne manière de remédier au problème. Zootopia a le mérité d’être plus « naturel ». Mais tu as raison, laissons cette chère Prya. Surtout en ces temps d’élections fantispaises. Ton message de soutien au MPD est logique et normal. Qu’aurait dit les médias en t’apercevant à Fantispa et, dans le même temps, te voyant afficher un silence total ? Cela aurait peut être soulever des rumeurs de conflits au sein même du MPD… ce qui n’aurait pas été forcément néfaste au RPR.

Tod fit un clin d’œil, but une nouvelle gorgée en grimaçant, puis reprit :

- Hisson est totalement méconnaissable. Il est vrai qu’il n’exprimait pas ses idées politiques… Mais tout de même, l’imaginer dans un tel extrémisme. Je ne comprends pas ce qu’il recherche. Korzeski semble l’avoir envoûté. Le pire, c’est que je pense que les monarchistes peuvent s’en sortir honorablement. Mais je suis surpris que tu sois content que je prône une République sur ces terres fantispaises du Prince… N’es-tu d’ailleurs pas Duc ?

Soudain, Léonard Goranz ouvrit la porte - sans se signaler - et glissa sa tête. Il dit simplement :

- Réunion dans 5 minutes et départ pour le meeting dans 40 minutes...

Il referma la porte qui couvrait les bruits de l'agitation qui se faisait entendre dans le couloir. Tod soupira, il sentait la pression monter en lui. Une boule se forma dans son ventre - comme si quelqu'un avait son poing planté dans ses entrailles et serrait de toutes ses forces.

- Becky doit être arrivée, tu la croiseras peut être. Elle s'est... Enfin, je l'ai investie dans le monde politique... On n'était en manque de candidats et il fallait compléter notre liste, alors... Bon, j'ai un peu oublié de lui demander son avis, d'accord. Mais Elle y a prit goût ! Tu l'aurais vue sur le port à débattre avec les pêcheurs, je ne l'ai jamais vue comme ça.

Max finissa son verre de jus de goyave.

-Je ne sais pas trop, à vrai dire je n'ai pas posé la question, le Mazambala étant en sale état j'imagine qu'une autorité de ce type n'est pas nécessaire. Et je n'aurais plus le temps, mais je m'y rendrais encore volontiers et différemment si les conditions le demandaient, cette province a beaucoup souffert.
Quant à al république, l'idée est que quand je suis arrivé j'étais un exilé, un banni alors je me suis adapté au système en place, je n'allais pas révolutionner. Tu arrives dans des circonstances différentes, par choix et tu connais le pays et je suis su...

La discussion fut stoppée nette.

Et bien il semble que ce soit le signal du départ, je visionnerais le meeting plus tard, y assister ferait mauvais genre. Je vais retourner à Prya, je repasserais surement pour les résultats.

Max se leva et serra la main de Tod puis le bras avec son autre main et reprit :
-Tod ce fut un plaisir de te revoir. Salut ta petite famille pour moi et bon courage pour ce soir. C'est une première élection, tu n'as rien à perdre tu arrives, quoiqu'il arrive tu ne peut pas perdre. je t’envie quelque part tu as cet enthousiasme que je n'ai plus, cette envie de conquête. Ne laisse pas la pression t'envahir et profites du moment présent, les militants seront là pour toi.

Julio m'a donné l'idée de reprendre mon restaurant, l'idée est plutot pas mal, en mode détente on pourra boire un coup en douce de Becky. Ah et quand la campagne sera finie, envoi donc moi le numéro de la jeune femme qui m'a accueilli, Nina je crois, dit-il en souriant.

- Tu es toujours le bienvenu Max. Je saluerai Becky pour toi. Elle me demande sans arrêt des nouvelles de Monique.

Le Président du RPR raccompagna jusque dans le couloir Max en gardant une main posée délicatement sur son épaule.

- C’est vrai qu’un certain enthousiasme m’anime. Fantispa transpire d’une atmosphère qui était très présente à Prya à une époque… durant laquelle tu étais Président. Toutefois, je ressens aussi de la peur. J’espère qu’on pourra se croiser plus régulièrement. Le téléphone ou le courrier, ce n’est pas pratique pour partager…

Tod jeta un coup d’œil autour d’eux et continua

- …une Spéciale et débattre de tout et de rien. Julio a raison. Ca fait longtemps que je ne l’ai pas croisé lui aussi. Toutefois, il ne faut pas que tu t’épuises avec toutes les activités dont tu as déjà la charge. Préserve-toi un peu !… Je t’enverrai ce numéro… celui de Nina. Elle saura probablement s’occuper de toi. Euh… par contre, elle est ma porte-parole et j’en ai, pour le moment, pas d’autres sous la main, alors ne me l’embarque pas tout de suite à Tindali.

Tod adressa un large sourire qui fut vite gâché par Goranz qui pointa du doigt sa montre. Ce dernier s’approcha et articula quelques mots à Max.
- Fritz Muls, notre coordinateur à l’action militante va vous raccompagner. Faudrait pas que vous vous perdiez dans nos bureaux…

Après la visite surprise de Max, Tod se sentait ragaillardi. Max semblait penser qu’il était sur le bon chemin pour réussir en politique – ce qu’il commençait un peu à douter. Les mots d’encouragements du Président pryan lui donnaient un second souffle. Et ce second souffle tombait à pic à quelques minutes du début du dernier meeting. Avant, une réunion devait se tenir dans les locaux. Eva Zhyon, Jean Baubinne, Nina Vox, Léonard Goranz étaient naturellement présents. Mais l’ensemble des colistiers du RPR étaient aussi présents dans les murs et certains participeraient à la réunion.

C’est Léonard qui prit la parole après que Tod ait lancé les débats.
- Nous devons faire vite puisque nous sommes en retard en raison des…
- Ne perdez pas de temps mon petit, fit Tod pour reprendre les mots de Max. Allez à l’essentiel, est-ce que tout est prêt pour le meeting ?
- Oui. On n’attend plus que nous.
- Jean ? Quels sont les derniers éléments de campagne ?
- On ne peut ignorer le retour du porte-avion national. Le PCF s’active considérablement pour son meeting de ce soir. Ils semblent miser beaucoup plus qu’on l’avait imaginer sur ce dernier rendez-vous.
- Le MPD ? questionna Tod.
- Vous devez être mieux informé que nous à ce sujet, s’interposa Léonard sournoisement. Vous venez d’accueillir l’un de ses leaders…
- C’était une visite privée. Par ailleurs, Morton ne figure pas sur la liste en question.
- Ca ne lui empêche pas de faire campa…
- Goranz ! Vous l’avez dit, nous n’avons pas de temps à perdre. Laissez Jean répondre à ma question !

Goranz fit une moue boudeuse et fit semblant de se désintéresser de ce que disait Jean Baubinne.
- Rien à signaler. Mais nous savons que le MPD, le PCF et le PM auront des observateurs sur place à notre meeting.
- Comme nous en aurons au stade Micro-olympique… Hisson ? Korzeski ?
- Pas de mouvement. Korzeski semble avoir des doutes sur Hisson. Mais ce sont des rumeurs.
- Des doutes ? questionna Eva.
- Il commence à comprendre que ça ne lui a pas apporté autant qu’espérer.
- Ca, Jean, on le verra le 21 au soir, dit Léonard qui revint dans le coup.
- Léonard a raison, confirma Tod pour calmer le duel qui l’opposait à Goranz. Le Prince ?
- Il accueillait aujourd’hui les doléances du peuple. Rien à signaler.
- Eva, est-ce que vous avez retouchée à mon discours.
- Non. Mais je ne suis pas certaine qu’être aussi superficielle, évasif soit une bonne chose. On devrait ré-énoncer nos propositions.
- Il faut qu’on soit précis, clair et surtout pas pompeux. On doit mettre l’accent sur l’aspect principal : le changement de société qu’on propose, insista Tod. Autre chose ?
- Oui, intervint Nina. Nous devrions chercher des coopérations internationales pour notre parti.
- Je suis d’accord, mais ce n’est pas le moment. Les élections d’abord. Autre chose ?… Bon. Très bien. Donc on part en centre ville immédiatement, ordonna Tod d’un ton décidé et autoritaire.

Le cortège de véhicules qui emmenait pas moins de trente huit personnes sur la place centrale de Tétaou arrivaient avec trente minutes de retard sur l’horaire prévue. Durant le trajet, Tod avait relu son discours. Il l’aurait relu dix mille fois, il l’aurait modifié dix mille fois. Par conséquent, il s’abstint de le corriger. Pourtant, il aurait voulu placer la remarque de Jean concernant le Porte-avion. Il s’agissait là d’aborder la démilitarisation partielle souhaitée par le RPR. Mais Tod n’était pas arrivait à intégrer cet aspect sans que cela ne brise le lien de ses idées. Le dernier jour de campagne électorale inspirait à Tod à la fois un grand stress et une joie intense d’en finir. Cette campagne avait été intense et longue. Tod et ses colistiers allaient bientôt enfin savoir si leurs efforts avaient payé. Mais avant, ils leur fallaient assurer le dernier meeting qui se déroulait sur la place centrale de Tétaou. Tous les membres de la liste du RPR étaient sur scène, alignés derrière Tod. L’image de rassemblement était celle désirée. Tod attendit un moment de silence pour prendre la parole.

Amis de la liberté, amis de la République, amis du changement, amis de Fantispa. Nous nous retrouvons aujourd’hui pour le dernier meeting de notre mouvement dans le cadre de cette campagne électoral. L’heure du choix est arrivé. L’heure pour chaque fantispais de tracer la route que devra prendre notre pays est arrivée. Chaque fantispais doit prendre ses responsabilités et effectuer le bon choix.

Durant deux semaines, nous vous avons présenté les grandes lignes du travail que nous souhaitons mettre en oeuvre si vous nous donnez la majorité au Parlement. Parmi les nombreux points présentés, celui de l’organisation de notre société est sans nul doute le plus important et le plus décisif. Il pourrait donner à Fantispa un visage différent de celui que nous avons toujours connu. Opter pour un tel changement, je le sais, n’est pas simple. Il faut aller au-delà de ses peurs et de son esprit conservatisme pour oser aller dans ce sens. Soyez sereins et tranquilles. Le RPR n’est pas composé de membres illuminés par un fanatisme idéologique comme on peut le voir à l’opposé de l’échiquier politique avec les monarchistes. Nous sommes – mes 19 colistiers qui sont derrière moi et moi-même, comme vous tous - animés par le désir de construction ; pas pour reconstruire à l’identique. Non. Pour reconstruire différemment.

A ce titre, si aucune majorité se dessine lors de ces élection pour un parti ou pour un autre, le pays risque d’être ingouvernable. Comment marier les idées du PM et celles du RPR ? C’est impossible ! Comment obtenir un programme comme en rassemblant les idéologies du PCF, du MPD et du RPR ? C’est très compliqué. Et je ne vous parle pas des Merksistes…
Une majorité est nécessaire. Le peuple devra confier son assentiment à un camp, à une idéologie, à une vision de notre pays. A partir de demain et durant trois jours, nous avons besoin de vous. FANTISPA A BESOIN DE VOUS !

Tod fit signe à ses colistier de venir le rejoindre. Les 20 personnalités côte à côte saluèrent la foule, certains comme Léonard Goranz l’haranguait. D’autres comme Becky ou Tony Truhant se contentèrent d’applaudir.

Tod et sa garde rapprochée étaient revenus dans les locaux du parti. La pression était redescendu, le RPR avait abattu toutes ses cartes, le sort en était jeté. Tod s’installa dans la salle de réunion. La porte était ouverte et les allées et venues incessantes. Nina lui apportait de temps en temps des notes, certains de ses colistiers venaient partagés un mot ou deux avec lui – ce qui lui permettait de définir les personnes au sein du parti qui étaient proches de lui. Eva fit son entrée à un moment où Tod était seul.
- Victoria Brolodina est en ce moment en train de prendre la parole.
- Ah oui ? fit Tod.
- Ils n’ont pas pris le même angle d’attaque ; Julio De Fortia n’est pas le seul à monter au front durant les meetings.
- Parce qu’ils ont le moyen de le faire. Ils ont les personnalités pour le faire.
- Pourtant, je… enfin…
- Oui, je sais. Léonard commence à avoir un certain… ancrage dans l’esprit des gens. Je sais. Mais ne pas le mettre en première ligne permet justement de le protéger.
- Vous ne croyez pas aux bêtises que vous dîtes Tod, hein ?
- Pas vous ? se moqua-t-il. Je veux savoir ce qu’elle dit.
- Qui ?
- Brolodina !
- Ah… euh, oui, bien sûr !

Les différentes notes de travail des collaborateurs du RPR arrivaient dans la salle de réunion de façon rapide et leur nombre augmentait de façon exponentielle au fur et à mesure que la soirée avançait. Toutes étaient des retranscription de ce qui se passait au stade micro-olympique. Tod fronçait les sourcils en les parcourant et les re-parcourant. Soudain, Tod héla Eva qui passait dans le couloir.

- Eva ! Eva !
- Oui ? dit-elle en revenant sur ses pas.
- Réunion ! Tout de suite ! Appelez Jean, Nina, Léonard et Fritz
- Très bien. Mais Fritz est parti chez lui.
- Faites le revenir.
- Il avait un anniversai…
- Appelez-le ! Je veux qu’il soit ici dans un quart d’heure sinon je botte ses petites fesses blanches.
- Compris.

Tod savait que la situation était tendue. Il n’avait pas su prévoir ce qui pourrait se passer. Vingt minutes plus tard, alors que les notes de travail continuaient à arriver, mais en petit nombre, les portes de la salle de réunion se refermaient. Tod prit gravement la parole.
- Jean, vous m’aviez prévenu concernant le porte-avion. Le PCF a utilisé cette actu pou mieux défendre l’armée et son maintien.
- Pire, ils sous-entendent notre légèreté en matière de défense du territoire, souligna avec délectation Léonard. Mais cela n’est qu’un aspect du désastre de cette soirée.
- Je ne suis pas d’accord, protesta Eva. Ce n’est pas un désastre. Ce n’est pas une bonne soirée non plus, c’est certain. Mais, il y a des raisons de se réjouir.
- Se réjouir ? s’enquit Léonard. Je vois pas de quoi on peut se réjouir.
- Oui. Je pense à cette invité surprise, le Premier Ministre Zollernois. Il est certain que c’est un invité de marque. Le PCF marque ainsi un certain prestige et une crédibilité internationale. Mais représentez-vous l’image, certains d’entre vous l’ont peut être vu sur les chaînes d’infos ; un vieux monsieur, dans un fauteuil roulant… cela donne une image du passé, du fané. Exactement le contraire de ce que l’on veut être. Le PCF nous offre sur un plateau l’image de renouveau qu’on veut représenter.
- Ce n’est pas faux, confirma mollement Jean Baubinne, pendant que Nina faisait la moue.
- Je crois que vous vous trompez Eva, réagit Léonard. Ils confirment leur stature et en plus nous ringardisent sur la forme de nos meetings. Plusieurs intervenants, une surprise… Rien d’extravagants, mais… nous, à côté…

Tod aimait assez ce genre de débats dans son équipe, cela était plutôt agréable d’avoir des angles de point de vue très différents. Cependant, il commençait à noter que, malgré ces débats, peu de solutions adéquates en ressortaient. Il se tourna vers Fritz qui avait visiblement déjà commencer à abuser de l’alcool, mais gardait les idées à peu près claires.
- Fritz, vous avez déjà eu des retours des militants ?
- Peu. Mais, ceux-ci sont très mauvais. « Laminés », « contre-attaques du PCF », « show » sont les mots qui ressortent le plus. Clairement, le PCF a marqué des points.
- Et sur notre meeting ?
- Pas grand chose est remontée jusqu’ici… à part quelques aigreurs d’estomac, c’est les trois Spéciales que je me suis enfilés. Mais je m’égare totalement de votre question… hic.
- Je trouve que vous noircissez le tableau, reprit Eva. Prenez les relations internationales, Julio De Fortia n’a pas dit autre chose de ce que nous avons déjà dit : Inutile d’avoir des traités pour en avoir. C’est clairement un rapprochement de nos lignes respectives. Il s’en est même pris assez violemment au Parti Monarchiste que nous avons pointé comme une cible.
- Eva, Eva, s’énerva Léonard. Vous oubliez tout de même qu’il a aussi clairement rejeté l’idée d’une république. D’ailleurs, on sent qu’ils se sont informés de notre propre meeting puisqu’il a parlé de s’appuyer sur le passé. Vous n’y voyez pas une opposition totale à notre priorité absolue ?
- Vous ne croyez tout de même pas Léonard que les conservateurs allaient crier « Vive la République ! », ricana Tod. Ils n’allaient pas s’aligner tranquillement derrière nos propositions. C’est nous les challengers ! Eux, ils sont favoris. A nous de les déstabiliser.

Plus la réunion avançait, plus Tod se sentait soulager. Clairement, le PCF avait réussi sa soirée, mais ce n’était pas non plus le « désastre » qu’on pouvait craindre à priori. Le RPR restait dans la course.

La tension de la campagne s’étant évaporée depuis sa clôture, une certaine et surprenante sérénité s’est installée dans les rangs du RPR. Les activités des membres du QG sont moins conséquentes. Toutefois, plus les heures séparant le moment présent de la fin du vote diffuse une tension qui devient de plus en plus palpable. Le jugement des urnes tombera dans quelques heures et tous les partis pourront en tirer les conséquences. Mieux, après le temps de la frustration, des regrets, de la satisfaction ou de la joie – selon les résultats – une nouvelle ère s’ouvrira à toute la classe politique fantispaise, celle de l’action au sein du Parlement et/ou du Gouvernement. Les premières informations provenant des militants du parti remontaient de certains bureaux de votes Tod étudierait ces informations toute la journée afin de préparer son discours et l’adapter en conséquence.

Pour la première fois depuis qu’elle était revenue en Fantispa, Becky resterait toute la journée avec lui dans les locaux du RPR. Son avenir personnel en dépendait aussi ; Becky n’oubliait pas qu’elle était sur cette famsuse liste et que ce soir – toujours selon les résultats – pouvait devenir députée.

Les heures de travail étaient moins nombreuses, mais toujours conséquentes. La dissolution du groupe de campagne avait été effectuée. Eva Zhyon redevenaient la conseillère politique de Tod. Quant à Nina Vox, elle se verrait confier d'autres tâches. Léonard Goranz, élu aux côtés de Tod, député était beaucoup moins présent.

Des contacts se liaient entre plusieurs dirigeants politiques de la nation et le téléphone sonnait régulièrement. Pendant ce temps, les militants rangeaient les affiches et les tracts. Ces dernières heures, Becky affichait une bonne humeur démesurée ; sa non-élection au Parlement la soulageait terriblement.

- Oh non ! OH NON !
- Calme-toi ma crème...
- Mais comment c'est possible ?
- Je ne sais pas, ce n'est rien mon hibou.
- C'est... c'est incroyable ! Comment ont-ils pu placer que 6 noms sur cette foutue liste !
- Manque de monde peut être mon petit caramel.
- Mais... oh Tod ! Me voilà députée ! Dé-pu-tée ! Tu m'avais dis que ça serait peu probable...
- Oui, je sais ma libellule, je...
- Arrête ! Ces petits mots doux à la mords-moi-le-noeud, ce n'est plus possible !
- D'accord Becky...
- Et puis, remets-moi ta cravate droite, tu es Ministre désormais.
- Entendu.
- Et puis rentre le ventre.
- Quoi ?? Je n'ai pas de ventre...
- Et ça, c'est quoi ?
- Ouuuuillle !

- Vous ne pouvez pas décaler ? s’agaça Eva, le combiné de son téléphone fixé à l’oreille. A l’autre bout du fil, Tod sur le siège arrière de sa FM 101 de fonction qui fonçait en direction de Tétaou.
- Non, Eva. Nous avons déjà tout planifié. Les bus ont déjà été amenés sur place par Fantispa Motors. Tout le monde attend la cérémonie officielle que j’ai promis.
- Tod, la campagne a débuté… et rien n’est prêt.
- Vous grossissez le trait Eva. J’ai déjà travaillé sur le sujet. Certes, il reste des détails à régler.
- Des détails ?? Vous appelez les listes par exemples des détails ?
- Vous et moi savons très bien qui nous voulons ou pas sur ces foutus listes électorales !
- Je ne vous parle pas de ce que nous voulons, mais des négociations que nous allons devoir mener avec les différents leaders des mouvements du parti… Et, ça ne s’annonce pas comme une partie de plaisir comme avec Léonard.
- Léonard commence à me faire bien c…
- Oui, oui, je sais Tod. Mais vous ne pouvez pas l’ignorer.
- Bon, écoutez, je file à Tétaou. Je fais mon beau devant les médias – vous aimez bien que je fasse de grands sourires aux journalistes Eva, non ? – Puis, je reviens illico presto au siège du RPR où vous aurez rassemblé les gens qui comptent au parti comme ce casse-noisette de Léonard. On tentera d’en finir avec les listes. Ca vous va ?

Eva soupira, dépitée par l’attitude de dénie de son patron. Il avait chaussé ses œillères et feignait de voir les difficultés et embûches qui ne manqueraient pas d’entraver la route du RPR.

- Et le programme ?
- Voyons Eva, ce n’est pas notre première campagne. Nos idées n’ont pas fondamentalement évoluées en si peu de temps.
- On ne pourra pas faire un simple « copier-coller ». Nous devons innover et surtout nous adapter à la situation actuelle. D’autant que vous avez été au cœur du pouvoir.
- Eva, vous avez décidé de gâcher ma journée ?
- J’ai surtout décidé de vous sortir de votre torpeur.
- Ma torpeur ? J’ai le nez plongé dans le guidon et dans le travail cartographique, il y a te…
- Oui, oui Tod, coupa Eva. Vous avez beaucoup de travail, ça demande beaucoup de temps et tout ça. Là, je vous parle des élections.
- Ca va, ça va. Réunissez toute l’équipe de campagne pour demain matin. On établira tout ce qui a à l’être.
- Et votre femme ?
- Et bien, écoutez, elle va bien. Elle est soulagée de voir arriver la fin de la mandature. Elle emmène Auguste à…
- Je vous parle de son rôle au sein du RPR.
- Ah ! Euh… Vous savez Rébecca et la politique…
- Je vois. Pourtant, elle vous permet d’avoir une image différente auprès des électeurs…
- Comm… Comment ça ?
- Eh bien… Vous êtes… intransigeant. Voire un peu dur et ferme. Sa présence adoucit cette image.
- Vous me trouvez intransigeant ?
- Bon Tod, c’est un plaisir de discuter avec vous, mais nous avons l’un et l’autre bien des choses à faire…
- Ah, non, non, je veux que vous m’en disiez plus avant. Intransigeant ?
- Je dois vous laisser.
- Hors de question !
- Vous voyez que vous êtes intransigeant…
- Mais, cela n’a rien à voir, vous me dîtes que je sui… allô ? Allô ?… Elle a raccroché bordel !

Les discussions débutées hier soir destinées à l’établissement des listes du RPR s’annonçaient plus compliquées que prévu. Irina Kudowrinka se montrait – en raison de son bon résultat lors du Congrès de Tétaou – revendicative. Et elle obtenait l’oreille attentive de Tod. Mais Léonard Goranz qui représentait la frange la plus radicale du parti souhaitait lui aussi obtenir des concessions. Ainsi, une forme de blocus s’était créé. La réunion de campagne de ce matin avait été reporté à une heure (une date ?) ultérieure. La priorité était d’abord de composer les listes et de définir le staff de campagne. Durant une pause durant les discussions, Tod pouvait souffler un peu en buvant un jus de goyave ramené par Becky. Il discutait avec Eva qui semblait marquer par la fatigue et le peu d’heures de sommeil enregistrées la nuit précédente.
- Léonard ne lâchera pas, soupira Eva.
- Bien sûr que si. Je viens de recevoir un message de Tony.
- Que veut-il celui-ci ? Votre peau ?
- Pas tout à fait. Il a décidé de changer de bord…

A ces mots, Eva reprit un semblant d’énergie. Une légère étincelle se mit à briller dans ses yeux.
- Tony pense que Léonard s’égare et que sa radicalisation ne fera qu’isoler le parti. Il souhaite nous rejoindre Eva.

Tony Truhant avait toujours clairement marqué son soutien à Goranz. Ce retournement de situation affaiblissait considérablement Léonard qui perdait de plus en plus la main. Alors que la bouche d’Eva s’entrebâillait, marquant sa surprise, Tod reprit :
- Il va être obligé de céder. Sans compter que le lieutenant d’Irina, Justin Brigant, pilonne sans relâche Goranz. Hier encore, je l’ai entendu le critiquer sur son manque d’engagements auprès des pêcheurs.
- Comment avez-vous fait pour retourner Tony ?
- Rien, sauf laisser le temps agir. A trop vouloir accéder au pouvoir, Goranz a oublié de l’exercer et de récompenser ses proches.

Totalement ragaillardit par cette nouvelle, Eva s’anima :
- Très bien. Il faut en finir tout de suite. Nous avons assez perdu de temps.

Goranz avait compris que la messe était dite. Il avait perdu le combat. Il ne serait pas tête de liste, ni à Tispana, ni à Fanto. La trahison de Truhant lui avait été fatale. Avoir à ses côtés un député de la qualité de Tony Truhant avait toujours été une arme efficace et une pierre dans la chaussure de la direction actuelle du RPR. Sa trahison marquait clairement la perte d’influence que Léonard avait mis tant de temps à construire. Le Congrès de Tétaou marquait dans le temps la première étape de cette dégringolade ; Pas tant à cause de la victoire de Tod Ruffin, mais par l’émergence surprise d’Irina Kudovrinka.

Le regard dans le vague, ses mains à l’abandon sur la table, légèrement voûté, Léonard écoutait avec amertume Nina Vox énumérer les candidats républicains des deux provinces. S’il avait perdu la bataille, certains de ses proches étaient néanmoins présents sur les listes.

Nina Vox dit a écrit:

Province de Fanto
1 - Irina Kudovrinka
2 - Justin Brigant
3 - Alexia Lapierre
4 - Matt Bauer
5 - Tony Truhant
6 - Didier Tétik
7 - Pierre Houkayou
8 - Corentin Tévhert
9 - Anne Quadra
10 - Eugène Koudraz
11 - Nina Vox
12 - Fritz Muls


Province de Tispana
1 - Tod Ruffin
2 - Caroline Dunoirre
3 - Léonard Goranz
4 - Méryl Yet
5 - Lars Zygtrof
6 - Carole Numénor
7 - Aurélie Flashe
8 - Samantha Renard
9 - Max Simome
10 - Jean Baubinne
11 - Eva Zhyon
12 - Rébecca Ruffin

Tod se délectait de ce moment. Son presque ancien Secrétaire d’état à la marine était rétrogradé à la troisième place de liste tispanaise et ses « troupes » - ou ce qu’il en restait – était dispersées et pas forcément en position d’être élu député. Rébecca avait accepté de figurer sur la liste tispanaise, mais en dernière position. De ce fait, son élection au Parlement était plus qu’improbable. Seulement 12 noms (sur 15 possibles) avaient été inscrits dans chaque province. Ainsi, tous les cas de figure étaient couverts – sauf naturellement celui où le RPR obtenait plus de 80% des suffrages… Mais cela tenait totalement de la science-fiction. Tod prit la parole.

- Maintenant que les listes sont établies, je décide que le staff sera identique à celui de mars, à la différence près qu’il existera deux QG : un à Tétaou que je dirigerai et l’autre à Sorlop qui sera le lieu de travail d’Irina. Mais, il n’y aura bien qu’une seule ligne à suivre, suis-je clair ?

Irina et l’ensemble des participants à la réunion respectèrent un silence pour marquer leur approbation. Tod reprit.

- Eva sera la directrice de cabinet. Jean, le directeur de campagne et Nina, notre porte-parole. Fritz reste le coordinateur à l’action militante. Ces quatre personnes, Irina, Justin, Caroline et moi-même se réuniront dès ce soir pour établir le programme de la campagne. Au travail !

Tod semblait retrouver l’excitation du début de campagne qu’il avait ressenti en mars. Il eut une forte pensée pour Max. C’était à cette époque que Max lui avait rendu visite pour l’encourager. Il se souvenait encore de ses conseils lors du Congrès de Tétaou : « renouveler le personnel politique est essentiel ». Pour le coup, le RPR n’avait pas su suivre véritablement ce conseil. Seule Irina faisait son apparition aux premières places. Puis, Tod décida de ne pas laisser son esprit vagabonder. Bien des choses l’attendaient encore : l’établissement du programme de campagne, le planning, les discours, les slogans, les réunions politiques. Et le tout, sans ignorer ses fonctions ministérielles et de chef d’entreprises. « Pas le temps pour la rêvasserie ! » décréta-t-il.

Les gouttes de plues glissaient sur les carreaux de la fenêtre du bureau présidentiel du siège du RPR pendant que Tod, coincé dans son fauteuil, regardait les nuages bas déversées leur surplus d’eau. Il n’avait plus envie de se plonger dans la multitude de dossiers qui l’attendait sagement près de lui. La réunion de travail qui avait eu lieu hier soir avait été éprouvante ; satisfaire chacun tout en imposant sa volonté était un exercice compliqué. Ils étaient arrivés néanmoins à un consensus, certes bancal, mais à un consensus tout de même. Eva ne lui laissait malgré tout aucune marge de repos, elle avait insisté pour organiser une réunion politique dès ce début d’après-midi. Et le menu de cette réunion était consistant : En entrée, les participants auraient le droit à une « planification de la campagne » arrosée d’un zeste d’urgence. En plat de consistance, les convives se partageraient l’écriture du meeting à venir saupoudrée d’une énumération d’une partie du programme, le tout sur lit de critiques et auto-critiques. Le dessert permettrait de goûter l’atmosphère de la campagne et l’état des forces en présence. « Attention à l’indigestion » prévenaient les pensées de Tod. Il ne fallait pas manquer la préparation de ce « repas » au risque de gâcher la campagne électorale.

Les paupières du dirigeant RPR devenaient lourdes et il constata qu’elles avaient tendance à ne plus suivre ses instructions. Il se frotta les yeux vigoureusement au moment même où Eva passa la tête dans l’entrebâillement de la porte.
- Tout le monde est prêt, vous venez ?
- J’arrive Eva, répondit Tod d’une voix lasse.

Se retrouvant à nouveau seul, il décrocha son téléphone et composa un numéro qu’il connaissait visiblement très bien.
- C’est moi. Tout va bien ?……. Oui…….. D’accord. N’oublie pas d’aller chercher ma mère à l’aéroport….. Très bien. A ce soir.

Il raccrocha et saisit maladroitement quelques papiers, il se dirigea vers la porte en disant tout haut à lui-même :
- Le cuistot arrive !

Autour de la table de réunion, beaucoup de monde ; Eva Zhyon, Nina Vox, Jean Baubinne, Fritz Muls, mais aussi Irina Kudovrinka que Tod voulait associer fortement à la campagne – pour mieux isoler Léonard – et Caroline Dunoirre qui prenait le rôle de conseillère politique puisque Tod n’avait trouvé encore personne pour occuper cette fonction. Le dirigeant du parti voulait et sentait qu’il fallait être rapide et efficace, il mit donc clairement les choses au point :
- Nous avons pris du retard à l’allumage, il faut vite rectifier le tir et occuper le terrain.

Eva calma le jeu :
- Ne nous précipitons pas non plus. Durant la dernière campagne, nous avons été omniprésent et pourtant nous avons raté notre dernier meeting, ce qui a « plombé » notre campagne. Soyons pragmatique.
- Oui, mais la campagne est plus courte. Donc, nous devons marquer des points pour ne pas être en retard, reprit Tod. Première chose, Jean avez-vous une proposition de planning ?
- Oui, Nous disposons d’une semaine pour convaincre. Voilà ce que je propose.

Jean distribua à chacun une feuille sur laquelle les intervenants pouvaient lire :

Planning prévisionnel a écrit:

13 mars 2015 :

• Fanto : Meeting sur le port de Sorlop.
  
• Tispana : Visite du port et rencontre avec les pêcheurs.
  

15 mars 2015 :

• Fanto : Rencontre avec des étudiant en Art.
  
• Tispana : Meeting sur la place de la Bourse à Tétaou.
  

16 mars 2015 :

• Conférence de presse conjointe au siège du parti (Tod et Irina, accompagnés de Nina)
  

17 mars 2015 :

• Fanto : Distribution de tracts dans les rues du Nord-Ouest de Sorlop.
  
• Tispana : Visite du Parc Micro-Olympique à Tétaou.
  

19 mars 2015 :

• Meeting de clôture sur la place centrale de Sorlop.
  

- Euuuh… Jean ? Vous ne pensez pas que ça fait beaucoup ? interrogea Tod.
- Je ne pense pas. Ces élections ont la particularité du découpage territorial. Nous devons être présents partout même si nous savons que nos chances en Tispana sont faibles.
- Ca me paraît pas mal, fit Caroline.
- On pourrait être visible tous les soirs dans les journaux télévisés, s’enthousiasma Nina.
- C’est bien ce qui m’inquiète, reprit à nouveau Tod. Je souhaite qu’on se fasse un peu plus rare.
- Ne rendons pas ce programme public et dévoilons-le au fur et à mesure. Cela nous permettra de le ré-ajuster, proposa la discrète et néanmoins pugnace Nina Vox.

Il était plutôt drôle, pensa Tod, qu’il rencontre une telle résistance alors même que Léonard était exceptionnellement absent. Celle-ci devait marquer un mécontentement que Tod préférait mille fois aux remarques sarcastiques de son Secrétaire d’etat.

- D’accord, céda Tod. On fait comme ça. Irina, vous avez donc un meeting à mener dès demain sur le port, ça ira.

Irina opina de la tête et baissa le regard pour mieux se convaincre qu’elle était prête au combat.

- Je voudrais tout de suite qu’on aborde les forces en présence, Jean ? Eva ?

C’est la dernière interrogée qui s’exprima en premier :
- Pour le moment, les démocrates sont totalement absents, ce qui pourrait nous ouvrir un boulevard… Mais il faut se méfier des conservateurs. Ils vont probablement sauter sur l'occasion pour élargir leur socle électoral. D’autant que ceux-ci sont très actifs.
- Oui, intervint Jean Baubinne. Mais il est intéressant de noter que beaucoup de rumeurs circulent comme les plus folles qui verraient Julio de Fortia se retirer de la vie politique…

Ces mots provoquèrent un silence de stupéfaction doublé d’une incrédulité. Caroline restait bouche bée. Irina releva la tête en arrondissant les yeux. Nina hoqueta. Tod répondit immédiatement :
- Balivernes ! Je n’en crois pas un mot. Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
- Notamment les têtes de liste : de Fortia n’en ferait pas partie…
- C’est une info ?
- Non Tod, une rumeur aussi.
- Bon, prenons-là alors comme telle. Autre chose ?
- Oui, reprit Jean. Les conservateurs semblent vouloir suivre le même processus de campagne que la dernière fois. Autant dire que nous serons scrutés et ils répondront coup pour coup.

Cette fois-ci, l’assistance fut nettement moins surprise. Au contraire, il était logique qu’il en soit ainsi. Eva le souligna :
- On peut s’attendre à se faire taper sur les doigts au sujet…
- … de la Marine. Je sais Eva. Le contraire serait étonnant. Avons-nous des angles d’attaques ?
- Evidemment, la compétitions sportive par exemple, confirma Eva.
- Autre chose ? questionna Tod pressé d’en finir.
- Les merkistes-luninistes sont eux aussi absents. Ils n’ont jamais réellement représenté une menace. Désorganisés, sans chef digne de ce nom, pas de proposition claire. Quant aux Monarchiques, ils ont bien publié leurs listes, mais semble bloqués dans le mode « contestation » et ne proposent rien. Les conservateurs les mangeront tout cru, dit Jean.

Mais Irina corrigea :
- Oui, mais leur cible, c’est nous ! D’autant que les démocrates sont absents… nous serons seuls à affronter leur animosité.
- Vous n’avez pas soif ? demanda soudainement Tod.
- Euh, si, un peu, bredouilla Jean.
- Bon ben, tous au bar d’en face ! ordonna le Ministre de l’Intérieur.
- Mais… tenta Eva.
- Non, non. Suffit Eva ! Debout et direction le bistrot !

- Ca y est Tod ! Ce qui devait arriver est arrivé… Julio de Fortia a pilonné Léonard et nommément de surcroît ! lança Eva Zhyon en arrivant d’un pas décidé vers Tod.
- Ah oui ?! On s’y attendait. Il faut répondre et contre-attaquer.
- Je ne crois pas qui le faille.
- C’est-à-dire ?
- Nous devons avant tout défendre Léonard. Prêcher pour lui.
- Le défendre ? Mais comment voulez-vous le défendre ? Il est indéfendable. Même l’avocat le plus rotor hésiterait…
- Ne grossissez pas le trait Tod. Léonard a ses raisons.
- Ses raisons ? Lesquelles ? Branler dans son burlingue en attendant la première occasion de me torpiller ? Non. Le PCF va se faire la tête de Goranz. Soit, je n’y peux rien. Par contre, nous pouvons nous aussi lancer nos flèches.
- Une telle attitude – qui manque cruellement de solidarité - serait mal perçu par les électeurs selon Jean. Et Fritz s’inquiète des débats qui animent certains militants concernant les luttes de pouvoir intestines du parti. Ne pas soutenir Léonard, c’est se tirer une balle dans le pied… Dans les parties même – ça vous parle plus à vous les hommes.
- Bordel ! Et comment souhaitez-vous le soutenir ?
- J’en fais mon affaire. Irina s’en chargera dès demain lors de son meeting.
- Je vois mal ce que vous allez pouvoir sortir du chapeau…
- Contentez-vous d’avoir un mot gentil en public à son égard.
- Oui, répondit Tod ironiquement, puis je prendrais une douche froide habillée avant d’aller foutre une baffe au Prince et de crier aux écolos « vive les déchets radioactifs ! ».
- Tod…
- Oui, oui, je le ferai… quand j’aurai le temps.

On y était. Le meeting de clôture de la campagne républicaine était sur le point de débuter. Evidemment, les 24 candidats à l’élection faisaient bloc sur la scène montée sur la place Alexandre Ier de Sorlop. La formule choisie par Tod était celle du meeting de clôture de la campagne de mars, c’est-à-dire un maximum de sobriété. Pas d’invité surprise comme l’avait concocté le PCF en mars – il ne s’agissait pas de donner le sentiment de reproduire ce que leurs adversaires faisaient de mieux. Alors que Tod se lançait dans un discours fleuve qu’il avait tenté de réduire à son strict minimum, Léonard Goranz, qui se mêlait aux autres candidats, marquait clairement son désintérêt. Il glissait un mot à l’un de ses colistier, dragouillait une autre. Il lisait des papiers. Cette mise en scène était réfléchie ; Goranz cherchait à faire savoir son désaccord – sinon son opposition – avec le chef du parti. Malgré qu’il soit de plus en plus isolé, Goranz restait une écharde dans le pied de Tod. L’avoir mis dans ses pattes durant toutes cette mandature au secrétariat à la marine avait été un coup de maître de Julio.

- Le moment est venu ! Il est venu pour nous de choisir nos nouveaux représentants au Parlement. Durant plus d’une semaine, nous vous avons démontré l’intérêt, l’impérieuse nécessité de faire le choix d’un nouvel avenir. Pourquoi un nouvel avenir ? Parce que Fantispa doit franchir un cap en accédant au statut républicain – même si ce statut est hybride, couplé à la Principauté. Les fantispais doivent obtenir davantage de droits.

Bien des travaux attendent le futur gouvernement. Il est certain que tout ne pourra être fait en un seul mandat. Mais c’est une vision à long terme que nous souhaitions vous présenter. Vous donner un avenir crédible, réaliste et différent. Ne nous enfermons pas dans l’immobilisme. N’ayez pas peur de la nouveauté, de l’évolution. Fantispais, vous devrez donner aux futurs gouvernants une majorité confortable, une majorité accomplie et absolue. Quelque soit le camp choisi, vous allez devoir choisir clairement une voie afin d’éviter le consensus qui peut être un vecteur de blocages.

Les thèmes essentiels que nous souhaitons mettre en avant reste donc le changement de régime, mais aussi la démilitarisation du pays. Nous l’avons vu cette semaine, les va-t-en-guerre n’hésitent pas à dégainer au moindre incident ; la force militaire n’est pas une réponse à la paix. Nous ne ferons pas taire, nous n’éradiquerons pas les agresseurs étrangers en jouant sur leur terrain favori : la guerre, l’affrontement, le sang, les morts… Nous ferions que servir leur intérêt. Le RPR privilégie le refus de la violence. En ce sens, la néo-Grande Alliance est une aberration ; promouvoir la paix en faisant de cette Alliance une organisation militaire – parce que le principal objet de cette union réside en cela – ne répondra en rien à un objectif du maintien de la paix. Nous nous opposerons à la ratification de ce traité.

Comme vous le voyez, nous nous cachons pas, nous revendiquons haut et fort nos idées, même à la veille d’une élection déterminante. Les autres thèmes qui seront au centre de notre projet seront la culture. Nous ne pouvons pas accepter de voir notre activité s’orienter, s’articuler uniquement autour des activités du Parlement. La vie sociale, culturelle et même sportive doivent animer les rues de nos villes et de nos villages.

Par ailleurs, nous continuerons à organiser les transports. Cette activité favorise et favorisera l’activité économique de nos entreprises. Une économie que nous souhaitons activer par des mesures de consommations. Nos entreprises doivent se préparer à l’ouverture de notre marché à des marchés plus solides. La protection durant un temps de nos entreprises ne pourra être que provisoire.

Enfin, nous tenons à continuer les travaux d’accès à l’histoire nationale. Celle-ci est trop peu connue et trop peu accessible. Les divers éléments seront davantage détaillés pour mieux en comprendre le sens.

Mes amis. Durant trois jours, vous allez voter pour choisir vos représentants. Le RPR se tient à la disposition du peuple afin de donner à celui-ci plus de pouvoirs, plus d’opportunités, plus de travail, plus de connaissances. Notre programme est ambitieux et conséquent. Nous sommes persuadés du bon sens de nos propositions. Vous disposez désormais de tous les éléments pour effectuer le meilleur choix. Rejoignez-nous ! Pour un avenir différent !

- Comment faîtes-vous pour conserver votre calme Eva ?
- Je reste sereine Tod. Vous feriez mieux de vous asseoir au lieu de tourner comme un fauve en cage.
- Les résultats sont sur le point de tomber, je ne peux pas rester calme, tranquillement assis là.
- Vous me donnez le tournis.
- Et si on se prenait une dérouillée mémorable ?
- Eh bien, il en sera ainsi. On encaissera et on repartira de l'avant.
- Ca serait catastrophique ! Vous imaginez ?
- Tod, Tod ! Vous savez qu'un dirigeant politique doit être capable de garder son calme en toutes circonstances. Et tout de suite, je ne ressens pas bien votre... flegme.
- Peut être parce que je ne suis pas fait pour ça après tout.
- Oh, vous n'allez pas recommencez votre litanie sur vos capacités ou plutôt vos faiblesses.
- Dîtes carrément que je vous ennuie Eva !
- Eh ben, je le dis Tod.

Tod grimaça comme il savait le faire quand il boudait. Puis il détourna le regard en scrutant le couloir, à l'affût de Jean Baubinne ou de Nina Vox qui apporteraient les résultats des élections législatives.

L’équipe de campagne du RPR qui représentait lors de ces élections à lui seul la gauche républicaine passa la soirée a étudié les résultats. Les trois mouvements du parti connaissaient des fortunes diverses. Si la ligne représentée par Irina Kudovrinka était clairement la branche qui sortait vainqueur de ce scrutin au sein du RPR, la ligne politique représentée par Tod était affaiblie. En effet, Kudovrinka dépassait le tiers des voix obtenus en Fanto et privait ainsi les conservateurs de la majorité absolue dans cette province. Alors que Tod et sa liste en Tispana atteignait les 24%, ce qui représentait déjà le score du RPR au niveau national en mars dernier. Eva se précipita évidemment pour mettre en avant la difficulté pour le RPR d’obtenir des résultats meilleurs en Tispana étant donné le fort ancrage des conservateurs dans cette région. Néanmoins, Tod comprenait que sa position serait affaiblie ; il n’avait visiblement pas été le meilleur tête de liste.

C’est ainsi que Léonard Goranz débarqua en salle de réunion en sifflotant joyeusement, il serra quelques mains et fit même la conversation à plusieurs membres de l’équipe de campagne avec qui pourtant l’ambiance s’était tendue ces derniers temps. Si Goranz était au fond du trou, il était plutôt satisfait d'y retrouver Tod... C’est Eva qui démarra la réunion, Tod devrait la quitter prématurément.
- Les conservateurs obtiennent la majorité au Parlement, mais ils leur manque un député. Un seul député pour obtenir une majorité absolue.
- Ils doivent être verts ! s’amusa Jean.
- En attendant, reprit Léonard Goranz, c’est eux qui ont profité le plus de l’absence des démocrates avec trois députés de plus contre deux pour nous…

Eva acquiesça tristement sans pouvoir contredire l’ex-secrétaire d’Etat.
- Les monarchiques obtiennent le même nombre de députés et sensiblement les mêmes scores qu’en mars.
- Ce qui est étonnant, intervint enfin Tod, c’est la progression des merkistes-luninistes.
- Je ne trouve pas, contra Goranz. Les voix des démocrates ont été mangé par les conservateurs sur la droite et par les merkistes-luninistes sur la gauche. Nous sommes les dindons de la farce ! Nous payons notre manque de cohérence.

Tod se crispa, mais garda le silence. Eva reprit comme si de rien n’était.
- Les conservateurs n’ont que deux chois qui s’ouvrent à eux : soit collaborer avec le PM. Mais ils devront montrer des signes de bonne volonté. Et il s’agira de le justifier auprès de l’opinion. Soit te tourner à nouveau vers nous. Je vois mal comment ils pourraient faire appel aux députés merkistes-luninistes. Dans tous les cas, ils sont en position de force.
- Il y a un autre cas que vous n’avez pas évoqué Eva, s’enquit à nouveau Goranz.
- Lequel ? soupira la jeune femme.
- Ils forment un gouvernement seuls. Après tout, ils ont en face d’eux un parterre de députés hétéroclites ; peu probable que ceux-ci arrivent à s’unir pour contrer un gouvernement purement conservateur. Après tout, ils ne leur manque qu’une voix…
- Ce que vous oubliez Goranz, ce sont les éventuelles voix dissidentes au sein même des conservateurs. Si de tels voix devaient naître, ce gouvernement ne serait plus en mesure de gouverner et devrait donc faire appel en cours de mandature à un partenaire. Cet éventuel partenaire n’aura sans doute pas oublier qu’il a été mis sur le bord de la route au début de la mandature.
- Il y a un petit risque, c’est certain. Mais cela en vaut la peine. Et puis entre nous, les conservateurs ont eux de vrais chefs à leur tête…

Encore une fois, Tod conserva le silence. Cependant, il pointa sa montre à l’attention d’Eva. Puis il se leva et sortit. Il lui laissa la gestion de la post-élection en interne pendant qu’il allait rejoindre son bureau pour des rendez-vous importants de dernière minute.

La réunion post-élection s’était terminée. Il en était ressortie que le RPR n’était pas le grand gagnant de ces législatives, mais restait sur le bon chemin. Du moins, c’était la position officielle que devaient transmettre les différents responsables politiques du parti. En réalité, Tod ne se cachait pas derrière cette illusion ; la progression du RPR était nettement ralentie et sa position personnelle affaiblie. La ligne politique suivie et la conduite suivie durant la campagne étaient au centre des critiques. A ce titre, Eva Zhyon, directrice de cabinet, et Jean Baubinne, directeur de la campagne, en prenaient pour leur grade. D’autant plus qu’Eva était une proche du Président du RPR. Le futur congrès du parti s’annonçait animé…

Malgré cet état de fait, Victoria Brolodina, nouvelle Premier Ministre, lui avait ouvert la porte du gouvernement. Etrangement, au lieu de renforcer – enfin – son rôle au sein du RPR, cette nomination poussait les « opposants » à sa ligne politique à s’acharner davantage. Au premier rang desquels on retrouvait Léonard Goranz qui se sentait pousser des ailes. C’est ainsi qu’il croisa Tod dans les couloirs du parti.
- Vous n’avez pas pu résister, hein ?
- Pardon Goranz ?
- Le gouvernement, vous n’avez pas pu résister ? L’appel du pouvoir…
- J’ai l’impression que vous êtes mal placé mon vieux pour venir me faire la morale sur ce plan, non ?

Goranz fit la moue et décrocha un sourire sarcastique.
- Dîtes, ça va devenir compliqué pour vous, non ? Président du RPR, chef de l’opposition au Parlement, Ministre du gouvernement et défait largement dans sa propre province…
- Je vous rappelle que vous étiez sur ma liste !
- C’est un détail.
- Quelles sont vos intentions Léonard ?
- Prendre le parti !
- Ne rêvez pas trop mon vieux !
- On verra ça, on verra…

Lentement, Goranz passa à côté de Tod sans se retourner. L’air de l’individu plaisait de moins en moins au Ministre. Il se replongea dans le communiqué qu’il comptait envoyer.

Peut être avait-elle raison, Eléonore, en dénonçant le temps qu’il passait enfermé dans les bureaux soit du Comité, soit du parti, à organiser et mener des réunions à n’en plus finir. Devait-il sans doute revenir au contact direct avec les fantispais. C’était la dernière réunion politique du parti qui commençait à le faire douter sur ce point. Les débats animés avaient conduit Tod à laisser la voix libre à Irina Kudovrinka qui devenait ainsi officiellement la porte-parole des députés RPR, mais aussi à Alexia Lapierre qui, elle, devenait la candidate du parti à l’élection de la Présidence du Parlement. Si Tod n’avait pas trop lutter au sujet d’Irina, il avait tenté de replacer sa protégée, Caroline Dunoirre, sur les rails d’une éventuelle accession à la Présidence de l’hémicycle. Mais l’opposition farouche de Léonard Goranz avait mis Tod dans les cordes. Goranz exigeait que sa ligne politique soit représentée et voulait donc qu’Alexia soit candidate du parti. La surprise vint du camp d’Irina Kudovrinka qui apporta son soutien à Goranz, alors que Tod espérait qu’il viendrait l’enfoncer un peu plus. Il devenait désormais clair que tout le monde plaçait ses pions en vue du futur Congrès ; la Présidence du parti en toile de fond devenait l’objectif de tous.

Acculé, Tod céda sous le regard déçu d’Eva qui aurait aimé le voir plus combatif encore. Il pensait que le temps était venu d’apaiser les esprits avant la bataille à venir. D’autant plus que le PCF avait les armes pour accéder tranquillement à la Présidence. Par ailleurs, ses missions au Comité devenait son principal objectif. Tod restait persuadé que c’était par ce biais qu’il redeviendrait incontournable au sein de la famille RPR.

Après avoir planché sur la cartographie de la Capitale, Tod jeta un œil sur l’intervention d’Irina Kudovrinka à l’hémicycle. Elle avait annoncé les votes des députés RPR à l’élection de la Présidence. Parmi eux, on comptait deux membres de la branche radicale du parti : Léonard Goranz et sa protégée Alexia Lapierre. Les deux avaient préférés s’abstenir afin de démontrer une pseudo-neutralité dans cette élection. Les partisans d’Irina - Justin et Matt - en avaient fait autant. Mais eux souhaitaient montrer leur désapprobation du choix du parti en présentant Alexia Lapierre. Néanmoins, leur chef de file, Irina Kudovrinka avait voté pour la jeune femme ; Irina représentait le parti au Parlement et se devait de suivre la ligne donnée par Tod. Quant à la ligne majoritaire du parti – celle menée par Tod lui-même – ses membres votaient en masse pour Alexia Lapierre. En effet, Tony Truhant, Méryl Yet et Tod lui-même tenaient leur promesse. Seule Caroline Dunoirre, l’ex-Présidente de l’hémicycle se tourna – à l’étonnement général – vers le leader du Parti Monarchiste, Wladyslaw Korzeski. Elle expliqua cette attitude par le besoin de vouloir montrer à ce dernier – qu’elle trouvait arrogant – qu’elles étaient les difficultés d’une telle tache.

Tod ne pouvait cesser de penser que si Caroline n’avait pas voté pour sa collègue Alexia, c’est parce qu’elle regrettait qu’on ne l’ait pas choisi pour redevenir éventuellement la Présidente du Parlement. Son orgueil avait dû être piqué au vif même si elle prétendait le contraire. Pourtant Tod aurait largement préféré la voir se succéder à elle-même. Il avait pourtant été obligé de la sacrifier pour calmer les esprits dans la famille RPR.

- Ah ! Quand même ! Vous voilà enfin, lança en guise d’accueil Léonard Goranz à l’adresse du Président du RPR.
- Je ne savais pas que je vous manquais tant que ça Goranz.
- Ce n’est pas vous qui me manque, mais plutôt votre absence de décision concernant la date du futur congrès du parti.
- On a d’autres dahus à fouetter.
- Notre parti a besoin d’exister, insista Léonard gui bloquait la route à Tod.
- Goranz ! Notre parti est sur le point d’être hors la loi à cause de cette foutue proposition de loi de protection de Korzeski et vous pensez qu’à prendre la tête du parti ?
- Si on en est là, c’est de votre faute. Qu’avez-vous fait pour alerter les fantispais sur les dangers de cette loi ?
- Je vais lancer un communiqué de presse. En attendant, vous arriverez à vous passer de ma présence ?

L’ex-secrétaire d’Etat à la Marine grimaça, puis s’écarta. La tension était palpable. Eva regardait, de loin, la scène. Elle finit par faire signe à Tod. Ce dernier la rejoignit.
- J’en ai marre de le croiser.
- Vous savez, vous ne pouvez pas l’expulser des locaux du parti, fit remarquer Eva.
- Je le sais bien.
- Mettons-nous au travail. Ah et alors ? Vous faîtes quoi comme omelette ce soir ?

Le soulagement pouvait se lire sur l’ensemble des visages des ténors du parti. Même Goranz, de nature si boudeur, était chaleureux. Le résultat du vote parlementaire concernant la proposition de loi concoctée par les monarchiques était tombé ; la proposition était rejetée in-extremis. La manifestation lancée par le RPR vendredi à Sorlop avait fait son effet. Et c’est sans doute pour cela que Léonard Goranz était de si bonne humeur aujourd’hui puisque c’était lui le chef de file de cette marche, lui qui était en tête du cortège au nom du RPR. Indéniablement, le calendrier et les circonstances défavorables à la présence de Ruffin et de Kudovrinka avaient permis à Goranz de marquer des points. Il était de nouveau dans le coup, sur la pente ascendante.

L’heure n’était cependant pas aux calculs politiciens, mais au soulagement d’avoir éviter le pire, d’avoir su éviter le missile téléguidé par le parti de Korzeski. Néanmoins, Tod avait prévenu qu’une seconde série de tir était à prévoir sous une forme ou sous une autre. Korzeski avait déclaré la guerre au RPR et il n’avait pas été très loin de remporter les hostilités. Cela ne ferait que gonfler son assurance en lui et sa motivation. D’autant plus que le chef du PM avait convaincu une grosse moitié des députés conservateurs. De quoi constituer une majorité future pour un texte à la portée plus rassembleuse et aux conséquences dramatiques pour le RPR.

Cet instant de soulagement fut partagé autour d’un verre de mousseux local. Un moment de convivialité que les bureaux du RPR n’avait rarement connu ces derniers temps.

L'air serein du Ministre s'était un peu estompé. La vue de son appartement dévasté par son clébard le rendait grognon. Il entra dans les bureaux du RPR en tentant d'éviter le chemin de Goranz. Il se trouve que ce dernier n'était pas dans le coin. Tod croisa Nina qui lui tendit une part de gâteau qu'il refusa - Becky avait exigé qu'il perde deux ou trois kilos. Absurde puisqu'il estimait ne pas avoir pris un gramme depuis sa prise de fonction. Il arriva dans son bureau où il fût rejoint comme toujours par Eva Zhyon.

- Alors Tod ? Ces quelques jours à Prya se sont bien passés ? Vous avez pris des couleurs dîtes...
- Oui. C'était très agréable. Je compte bien remettre le couvert dès que po...
- Ah ben pas tout de suite alors parce qu'il y a du nouveau.
- C'est-à-dire ?
- Le MPD est de nouveau sur les rails...

La nouvelle n'était pas bonne pour le RPR - ni pour le PCF d'ailleurs - Les deux partis avaient largement profité de l'absence des démocrates pour engranger des sièges supplémentaires au Parlement. Le retour du MPD voulait donc dire une concurrence accrue. Tod prit le soin de s'asseoir et fit mine de peser le pour et le contre dans cette nouvelle. Le contre l'emportait malgré que ce retour soit une excellente nouvelle pour la démocratie fantispaise.

- Autre chose, demanda doucement Tod.
- Il semblerait que John Bol ait repris des travaux et une activité au sein de l'église. C'est d'ailleurs lui qui a relancé le MPD...
- Actif sur tous les fronts donc.
- Une ambassadrice venue du Krassland a pris ses quartiers à Sorlop.
- Ah, parfait ?
- Les bibines et l'AS Tétaou ont perdu leur troisième match de Scanthir.
- Les bibines ont perdu ? Voilà une très bonne nouvelle.
- Et plein d'autres petites choses, je commence par quoi ? Ah oui, par l'entrepr...
- Par m'offrir un verre Eva. Un petit verre.