Campagne électorale du RPR en Fanto (Juin 2015)

- C’est ridicule, pesta pour la troisième fois Irina Kudovrinka, la tête de liste RPR dans la province de Fanto.
- C’est d’autant plus navrant qu’il va nous falloir faire de la langue de bois, confirma Justin Brigant, le fidèle lieutenant d’Irina.
- Zhyon ne rend pas compte de l’énormité qu’elle nous demande.
- Goranz est foutu de toute manière. Il ne retrouvera pas de sitôt un poste au gouvernement… enfin si toutefois on arrive à atteindre le gouvernement.
- Comment ça Justin ? Vous croyez que…
- Non. Mais Ruffin me donne l’impression de vouloir se démarquer de plus en plus du PCF, surtout depuis que les démocrates sont retournés à leurs mutismes.
- Il veut briser l’union nationale d’après vous ?
- Je n’en suis pas certain, mais mes dernières discussions avec lui m’ont laissé ce sentiment.

Irina prit un air songeur. En tant que membre du personnel politique, elle savait bien qu’il fallait se méfier de tout le monde et surtout de ses « amis ». « A quel jeu Ruffin se prêtait-il ? » s’interrogea-t-elle tout en se replongeant dans la lecture de son discours. La trame générale avait été travaillée de façon collégiale. Elle avait simplement « habillé » le tout à sa sauce. Le meeting qu’elle mènerait aujourd’hui avait lieu sur le port de Sorlop. Installée tout près du quai d’embarquement du Kazimiertz I, le pupitre faisait face à une foule relativement restreinte étant doné l’exiguïté des lieux. Malgré tout, les curieux étaient bien présents pour découvrir cette nouvelle tête de proue du RPR dans leur province. Irina n’avait pas compris le choix du Président du RPR qui l’avait postée dans cette province, alors que sa position à droite du parti la rapprochait clairement des conservateurs. Ainsi, sa présence à Tispana, terre conservatrice, aurait pu être, d’après elle, un atout non négligeable pour séduire la population monarchiste libérale. Néanmoins, elle appréciait qu’il l’a mette tant en avant. De toute manière, il y était un peu obligé...

Au moment de se présenter devant les spectateurs parmi lesquels on comptait des militants à qui on avait demandé « d’accueillir chaleureusement la candidate », Irina expira longuement pour calmer son stress. Puis elle prit la parole, sourire aux lèvres :

- Mes amis. Merci pour votre accueil si spontané. Qu’il est bon de vous voir ici, dans notre Capitale retrouvée. Nous voilà reparti pour un nouveau combat, pour une nouvelle bataille d’idées et de propositions. Mais, la situation n’est plus exactement la même. Nous ne sortons pas de trois mois de léthargie, mais bien trois mois d’actions. Le RPR a en effet pris part à un gouvernement d’union nationale afin de permettre un travail collectif de restauration des institutions et donc de la vie fantispaise. A ce titre, Tod Ruffin, le Ministre de l’Intérieur, a contribué à « redessiner » les contours de la ville de Tétaou et a débuté la mise en place d’un réseau de transport unique dans le Micromonde. Ce travail s’est poursuivi par le même objectif pour notre ville de Sorlop. Le RPR a participé, a contribué à redonner à notre nation un visage. Au secrétariat de la Marine, certains diront que Léonard Goranz a été inefficace. Il a surtout voulu ne pas entraver les projets structurant du gouvernement et ainsi pénaliser la reprise des activités. Il n’a pas voulu proposer des textes de lois contraignants pour les pêcheurs pour ne pas entraver la reprise économique que ceux-ci pouvaient espérer. Léonard Goranz a d’abord… hum… pensé à l’intérêt général avant de se préoccuper de ce qu’on pourrait dire de lui. Par ailleurs, il a été un conseiller et un soutien intéressant pour le Ministre de l’Intérieur duquel il dépendait directement.

Irina s’humecta les lèvres avant de reprendre le fil de son monologue :

Le RPR ne s’est pas seulement illustré au sein du pouvoir exécutif, il s’est fait entendre au sein du Parlement. La Présidente du Parlement, Caroline Dunoirre a permis l’organisation de cet organe. D’autre part, les deux tiers des propositions de loi issues des formations politiques (hors propositions gouvernementales donc) proviennent du groupe républicain ! Les députés démocrates, merkistes-luninistes et conservateurs n’ont pas été forces de proposition.
C’est un bilan d’un parti en action que je viens défendre devant vous et pas le bilan de contestataires du PM, ni le bilan de suiveurs conservateurs et encore moins le bilan de la voiture balai démocrate. Le Rassemblent Pour une République est le seul parti capable de changer les choses. Mais que proposons-nous ? Nous sommes ici devant le quai d’embarquement du Porte-avion nationale. La volonté du RPR – et je sais qu’elle ne plait pas – est toujours de désarmer grandement le pays et démanteler les infrastructures militaires. Pour cela, un inventaire devra être effectuer. Par ailleurs, le souhait du parti d’une société différente est toujours d’actualité ; le peuple doit accéder à davantage de pouvoir au détriment de la noblesse. Enfin, les pêcheurs le savent : l’économie est balbutiante, il faut protéger l’économie nationale afin de lui laisser le temps de se relever. Ainsi une légère hausse de la taxe d’importation pourrait être envisager. Vous retrouverez l’ensemble de nos propositions dans nos tracts. Ensemble, nous pouvons changer la donne et redonner à notre pays une nouvelle image. Ouvrons ensemble l’ère de la modernité. Soutenez un Fantispa fort. Votez RPR !

Irina Kudovrinka avait troqué son tailleur, qui rendait une image un peu trop stricte, pour une tenue plus « légère », plus « cool ». Pantalon bleu marine, sweat rose sans col et une veste en simili cuir noir. La tête de liste RPR dans la province de Fanto rencontrait aujourd’hui des étudiants en Art. Ils étaient d’un naturel plutôt avenant, un air bohème et des tenues vestimentaires iconoclastes. Ce genre de public, Irina le savait, avait un goût prononcer pour l’originalité et la « branchitude ». Attention pas celle qui permet d’attirer les regards envieux, mais plutôt celle qui amène des regards surpris, étonnés, amusés, voire choqués. Irina savait ô combien l’apparence qu’on rendait à autrui possédait une importance incommensurable sur l’opinion qu’on porte aux autres. C’est pourquoi, elle s’adaptait au public rencontré.

Eva Zhyon avait fixé pour objectif à Irina de s'attaquer à son homologue du PCF en terre de Fanto, à savoir Victoria Brolodina. Les rumeurs faisaient d’elle une première ministrable, il fallait donc la mettre en difficulté pour augmenter les chances d’Irina – et donc du RPR – de battre sa concurrente. Rencontrer des milieux culturels n'était donc pas un hasard. Jean Baubinne avait su identifier jusqu’ici les cibles à atteindre.

Dans l’amphithéâtre qui les accueillait, les étudiants papotaient en attendant que la candidate débute sa présentation et que la discussion puisse s’engager. Justin Brigant glissa quelques mots d’encouragements à l’oreille de Kudovrinka, puis s’écarta pour laisser sa collègue débuter.

- Merci beaucoup à vous tous de m’accueillir pour cet échange qui – je n’en doute pas sera très instructif autant pour vous que pour moi. Vous le savez, le Rassemblement Pour une République que je représente milite pour l’amélioration de vos futures conditions de travail. En effet, la vie culturelle fantispaise est la dernière roue du carrosse. Ce qui fera de vous demain des hommes et des femmes accomplis et épanouis est délaissé depuis des années dans notre pays. Il est temps que le milieu culturel fantispais se soulève contre cette indigence. Il est urgent de redonner à Fantispa une activité culturelle. Il faut également la diversifiée et la soutenir. Le RPR souhaite tout d’abord que notre histoire commune soit travaillée et accessibles à tous. Le RPR milite pour la mise en place de Charts fantispais, système qui existe à l’étranger. Enfin, il est nécessaire de faire renaître le festival du film de Sorlop. Dans tous les cas, la nation a besoin d’un calendrier culturel qu’il faudra agrémenter de fêtes et d’évènements. Bref, la vie culturelle du pays doit être organisée.

Vous noterez qu’une des candidates de notre province a été Ministre de la Culture et n’a rien fait pour vous. Il est plutôt… étrange, pour ne pas dire anormal, de noter que Victoria Brolodina – puisque c’est d’elle qu’il s’agit - n’ait pas tenu sa promesse de relance de l’Université. Et ne parlons pas de l’organisation d’un championnat sportif ou encore de l’adoption de la loi du sport pour tous. Avec elle, ça serait plutôt le néant pour tous…

Irina était contente de sa formule qui serait probablement reprise par les journaleux invités et présents dans la salle. Cela ne passerait pas inaperçu. Une attaque en règle du bilan de la Ministre qu’elle n’avait jamais croisée. Très vite, elle laissa la parole aux étudiants et un échange soutenu, varié, intense, parfois vif s’engagea. Mais l’essentiel était fait, elle avait marqué les esprits.

Irina détestait l’exercice qu’on lui avait confié ce jour-là. Dans l’objectif de rendre les candidats plus accessibles, elle et Justin Brigant, devaient sillonner les rues du Nord-Ouest de la ville de Sorlop. Cela comprenait la plage, la place Alexandre I, et les zones commerciales environnantes. Cette déambulation devait amener les candidats à distribuer des tracts, mais surtout à se faire connaître des sorlopiens et à discuter avec eux. Se retrouver au milieu de la foule, de la masse populaire rendait Irina anxieuse et également écoeuré ou presque. Le contact physique de la « populace » comme elle l’appelait lui donnait l’impression de se jeter dans la boue. Néanmoins, un peu honteuse de telles pensées, elle n’avait pas manifesté son mécontentement lorsqu’on lui avait attribué cette besogne. C’est donc chargé d’une épaisse pile de papier qu’elle abordait les passants, répétant à qui mieux-mieux son rôle et les idées que le RPR défendait. Elle finissait toujours par la sempiternelle phrase : « Nous avons besoin de vous les 20, 21 et 22 juin ! »
Et elle, elle avait besoin de rentrer se détendre dans un bon bain chaud en dégustant une corbeille de fruits.